21-07-2014
Annoncé par le Gouvernement le 19 juin 2013, le plan d’action en faveur du commerce et de l’artisanat ambitionnait – entre autres mesures - de réformer le statut des baux commerciaux pour une meilleure protection des petits commerçants .
Au cours de son processus d’adoption, le projet de loi qui transcrivait cet objectif a suscité des questions, débats et inquiétudes. La loi a été adoptée le 18 juin 2014, et publiée au Journal officiel du 19 juin .
Certaines des évolutions apportées au statut sont bienvenues, d’autres soulèvent davantage d’interrogations. La plupart souffrent d’une rédaction imprécise, source de contentieux futurs. Le renforcement de la protection du preneur, au détriment de la liberté contractuelle, constitue le fil conducteur de la nouvelle loi.
Récapitulatif des principales mesures modifiant le statut des baux commerciaux (articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce), ainsi que leur date d’entrée en vigueur.
1 – Durée du bail : restriction de la faculté de renonciation du locataire à la durée ferme
Article L. 145-4 : « La durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans.
Toutefois, le preneur a la faculté de donner congé à l’expiration d’une période triennale, dans les formes et délais de l’article L. 145-31.
Les baux conclus pour une durée supérieure à neuf ans, les baux des locaux construits en vue d’une seule utilisation, les baux des locaux à usage exclusif de bureaux et ceux des locaux de stockage mentionnés au 3° du III de l’article 231 ter du Code Général des Impôts peuvent comporter des stipulations contraires.
Le preneur ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite du régime social auquel il est affilié ou ayant été admis au bénéfice d’une pension d’invalidité attribuée dans le cadre de ce régime social a la faculté de donner congé dans les formes et délais de l’article L. 145-9. Il en est de même pour ses ayants droit en cas de décès du preneur. »
Depuis la réforme introduite par la loi du 30 décembre 1985, le preneur pouvait valablement renoncer à la faculté de résiliation triennale légale, quel que soit le type de local et la durée du bail.
Une pratique de marché s’est ainsi développée tant pour les baux de bureaux que pour les commerces avec des durées fermes de six, neuf ou douze ans, la renonciation étant souvent stipulée en contrepartie de franchises de loyer ou d’une plus grande souplesse pour le preneur, par exemple en matière de sous-location.
Désormais cette faculté n’est ouverte que pour les baux conclus pour une certaine durée ou pour certaines catégories de locaux.
Possibilité d'exploiter un fonds de commerce sur le domaine public
La faculté de déroger à la résiliation triennale est admise pour les baux conclus pour une durée supérieure à 9 ans, quel que soit le type de locaux.
Il en va de même, en ce compris pour les baux d’une durée de 9 ans, pour trois catégories de locaux :
a. Les baux des locaux construits en vue d’une seule utilisation
Il s’agit des locaux dits monovalents visés à l’article R. 145-10 du Code de commerce tels que les hôtels, les cinémas, les théâtres, dont la fixation du loyer de renouvellement échappe de droit à la règle du plafonnement, la valeur locative étant fixée en fonction des usages.
b. Les baux des locaux à usage exclusif de bureaux
Cette catégorie recouvre tant les bureaux proprement dits, tels les sièges sociaux ou administratifs des entreprises, que les bureaux – boutiques (agences bancaires, agences immobilières, etc.) puisque, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, sont considérés comme des bureaux au sens de l’article R. 145-11 du Code de commerce les locaux qui ne reçoivent pas de marchandises.
c. Les locaux de stockage mentionnés au 3° du III de l’article 231 ter du Code général des impôts
Selon les dispositions fiscales, il s’agit des locaux ou aires couvertes destinés à l’entreposage de produits, de marchandises ou de biens et qui ne sont pas intégrés topographiquement à un établissement de production. Sont essentiellement visés les entrepôts autonomes, indépendants des locaux de production.
La possibilité de conclure un bail d’une durée ferme se trouve ainsi interdite en matière de baux commerciaux portant sur le commerce de détail ou les fonds artisanaux et industriels, sauf si la durée contractuelle du bail excède 9 ans. Mais dans ce dernier cas, le loyer du bail renouvelé se trouvera déplafonné de plein droit.
2 – Baux dérogatoires : modification de leur durée et des possibilités de notification du congé
Article L. 145-5, 1er alinéa : « Les parties peuvent, lors de l’entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. A l’expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux. »
La durée des baux dérogatoires est étendue à trois ans, qu’il s’agisse d’un seul bail ou de plusieurs baux successifs. C’est une bonne mesure car la durée de 2 ans pouvait s’avérer insuffisante lorsque le preneur devait engager des travaux d’aménagement avant de s’installer dans les locaux loués.
Le texte précise toutefois qu’à l’expiration de la durée de trois ans, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogatoire pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux. On doit s’interroger sur le maintien des pratiques contractuelles fondées sur la renonciation du preneur à la propriété commerciale qui était reconnue par la jurisprudence, dès lors que la renonciation intervenait une fois que le preneur avait acquis le droit à la propriété commerciale, soit le lendemain du jour d’expiration du bail dérogatoire. En outre, le droit à la propriété commerciale n’est plus acquis ni le lendemain de l’expiration du bail dérogatoire, ni même à l’expiration du délai de 3 ans, mais un mois après la fin de ce délai.
Article L. 145-5, 2ème alinéa : « Si, à l’expiration de cette durée et au plus tard à l’issue d’un délai d’un mois à compter de l’échéance, le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par les dispositions du présent chapitre. »
Sous l’empire de l’ancien texte, la jurisprudence exigeait que le bailleur, avant l’expiration de la durée maximale légale, manifeste son intention de ne pas poursuivre sa relation contractuelle avec le preneur, de telle sorte qu’à défaut d’un acte positif du bailleur, un bail commercial statutaire naissait, dès l’expiration de la durée de 2 ans. Désormais, le bailleur disposera d’un délai d’un mois, après l’expiration de la durée de trois ans, pour notifier au preneur sa décision de mettre fin au bail dérogatoire.
3 – Convention d’occupation précaire : définition
Article L. 145-5-1 : « N’est pas soumise au présent chapitre, la convention d’occupation précaire qui se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties. »
De création prétorienne, la convention d’occupation précaire reçoit désormais une définition légale fortement inspirée par la jurisprudence de la Cour de cassation.
On relèvera que, conformément aux solutions retenues par la jurisprudence, le motif de précarité peut ne pas être purement extérieur aux parties, dès lors toutefois qu’il ne dépend pas de leur seule volonté. Les cas de précarité précédemment reconnus par la jurisprudence devraient dès lors être reconduits. Il en va ainsi par exemple de la convention conclue dans l’attente de la reconstruction des locaux de l’occupant détruits par un incendie (Cass. 3ème Civ., 2 avril 2003, n° 01-12923, SCI des Fenots c/Sté Perfect Circle Europe, RJDA 7/03 n° 097).
On peut également relever que la convention d’occupation précaire peut être conclue pour une durée déterminée conformément, là encore, à la jurisprudence de la Cour de cassation.
4 – Forme du congé : possibilité de notifier le congé par lettre recommandée
Article L. 145-9 : « Le congé doit être donné par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte extrajudiciaire, au libre choix de chacune des parties. »
La notification par lettre recommandée avec demande d’avis de réception est donc permise pour le congé résiliation du preneur ainsi que pour le congé avec offre ou refus de renouvellement du bailleur. En revanche, la signification par acte d’huissier demeure la forme requise pour la demande de renouvellement et la réponse du bailleur à une demande de renouvellement.
Compte tenu de la grande insécurité juridique attachée à la lettre recommandée et des risques importants de contestation, notamment sur la date de réception, nous recommandons de privilégier l’acte d’huissier.
Plus d'infos:
Principales mesures du projet de loi Artisanat, Commerce et Très petites entreprises 26 mai 2014 Secrétaire d’État au Commerce, à l’Artisanat, à la Consommation et à l’Économie Sociale et Solidaire
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