27-07-2013
Le député Jérôme Lambert avait alerté le ministre sur ce sujet en
prenant l’exemple des exploitations viticoles où il est courant de
procéder à une cession en démembrement, la nue-propriété étant acquise
par des personnes physiques ou un groupement foncier agricole et
l’usufruit par la société d’exploitation. Dans cette opération,
l’usufruit cédé à la société d’exploitation est viager puisqu’il prend
fin dès le décès du cédant, mais est également temporaire dans la mesure
où il est limité dans le temps. Le député demandait donc si l’usufruit
cédé devait être qualifié d’usufruit temporaire ou d’usufruit viager,
étant précisé que, contrairement à l’usufruit temporaire, la cession de
l’usufruit viager n’est pas concernée par ce nouveau régime
d’imposition.
Pour l’administration fiscale, qui sera amenée à
commenter sa position dans une prochaine instruction, la cession de
l’usufruit à une personne morale constitue par principe un usufruit
temporaire dans la mesure où il ne peut pas dépasser 30 ans conformément
à l’article 619 du Code civil.
L’administration fiscale vient d’affirmer à travers cette réponse ministérielle du 2 juillet dernier que la cession concomitante de l’usufruit et de la nue-propriété est imposable à l’impôt sur le revenu conformément au nouveau dispositif introduit par la troisième loi de Finances rectificative pour 2012.
Ce nouveau dispositif, codifié à l’article 13-5 du Code général des impôts, prévoit en effet que la cession à titre onéreux d'un usufruit temporaire réalisée depuis le 14 novembre 2012 entraîne une imposition du produit de cette cession en tant que revenu à l'impôt sur le revenu (IR) et aux prélèvements sociaux, et non plus à titre de plus-value. La taxation au titre de l’IR est limitée à la première cession d'usufruit temporaire, à l'exclusion des cessions ultérieures du même usufruit temporaire. Seules sont concernées les cessions d'un usufruit temporaire, c'est-à-dire le droit, consenti pour une durée fixe, d'utiliser le bien et d'en percevoir les fruits.
A travers cette réponse ministérielle, l’administration lève ainsi les incertitudes des professionnels, faisant fi également des critiques émises quant à la pérennité des stratégies patrimoniales familiales.
Cette réponse aboutit à une différence de traitement entre la
personne qui cède la pleine propriété d’un bien à un seul acquéreur et
celle qui cède de façon séparée, mais néanmoins simultanée, l’usufruit
et la nue-propriété à deux acquéreurs distincts
Texte de la question
M. Jérôme Lambert attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, sur la modification des modalités d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux de la cession à titre onéreux d'usufruit temporaire introduite par l'article 12 du projet de loi de finances rectificative pour 2012.
Cette mesure a pour finalité de combattre les montages de cession temporaire d'usufruit que l'administration fiscale ne pouvait remettre en cause que par le biais de l'abus de droit. Il est assez courant, en zone viticole, de procéder à une cession en démembrement, la nue-propiété étant acquise par des personnes physiques ou un groupement foncier agricole et l'usufruit par la société d'exploitation. Les actes réalisés selon ces modalités n'ont pas fait l'objet de critiques du titre de l'abus de droit. Dans cette opération, l'usufruit cédé à la société d'exploitation est bien viager (puisqu'il prend fin dès le décès du cédant), mais est également forcément limité à trente ans conformément à l'article 619 du code civil ("l'usufruit qui n'est pas accordé à des particuliers ne dure que trente ans") et, en cela, il est temporaire. S'il est clair que les cessions d'usufruit viager ne sont pas concernées par la réforme, des précisions doivent être apportées quant à la qualification de l'usufruit cédé dans le cas présenté. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir préciser si, au sens de l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 2012, l'usufruit cédé doit être qualifié d'usufruit viager ou d'usufruit temporaire.
Texte de la réponse du Ministre du Budget
En application de l'article 15 de la troisième loi de finances rectificative pour 2012 (n° 2012-1510 du 29 décembre 2012), le produit résultant de la première cession à titre onéreux d'un même usufruit temporaire est, par dérogation aux dispositions relatives à l'imposition des plus-values, imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie de revenus à laquelle se rattache au jour de la cession le revenu procuré ou susceptible d'être procuré par le bien ou le droit sur lequel porte l'usufruit cédé. Cette mesure, qui s'applique aux cessions à titre onéreux d'un même usufruit temporaire intervenues à compter du 14 novembre 2012, poursuit une double finalité : - d'une part, elle contribue à lutter contre des stratégies d'optimisation fiscale détournant l'esprit de la loi ; en cela, elle s'inscrit naturellement dans le plan global de renforcement de la lutte contre la fraude et l'optimisation fiscales et sociales mis en oeuvre par le Gouvernement ; - d'autre part, elle vise aussi à rétablir la réalité écoonomique de l'opération et à permettre l'imposition du revenu cédé sous forme d'usufruit temporaire, en tant que revenu (et non plus comme une plus-value), selon les modalités propres à chaque catégorie de revenu, à la fois à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux. Les cessions d'usufruit viager ne sont pas concernées par ces nouvelles dispositions. Sont en revanche concernées les cessions d'un usufruit temporaire, qui s'entend du droit, consenti pour une durée fixe, d'utiliser le bien et d'en percevoir les fruits. A cet égard, l'usufruit consenti à une société constitue par principe un usufruit temporaire, la durée de cet usufruit ne pouvant excéder trente ans conformément aux dispositions de l'article 619 du code civil. L'usufruit temporaire cédé est souvent constitué sur un bien détenu en pleine propriété, le propriétaire cédant conservant la nue-propriété dans son patrimoine et ayant vocation à recouvrer la pleine propriété du bien à l'extinction du terme de l'usufruit cédé. Certes, la cession d'un usufruit temporaire peut conduire au dessaisissement définitif du cédant des attributs attachés à ce droit. Tel est le cas lorsque le propriétaire cède concomitamment l'usufruit temporaire du bien à un premier cessionnaire et la nue-propriété à un second. Pour autant, même si dans cette situation l'usufruit n'a pas vocation à faire retour au cédant, la cession, qui porte sur un usufruit temporaire, entre dans le champ d'application des dispositions fiscales issues de l'article 15 précité de la troisième loi de finances rectificative pour 2012. En tout état de cause, la qualité du cessionnaire, la nature et l'affectation du bien sur lequel porte l'usufruit temporaire cédé sont sans incidence sur l'application de ce nouveau régime d'imposition. Ces précisions, qui feront l'objet de commentaires à paraître au Bulletin officiel des finances publiques - Impôts, sont de nature à répondre aux interrogations de l'auteur de la question.
Source:
Question N° : 15540 de M. Lambert Jérôme Question publiée au JO le : 15/01/2013 page : 299 Réponse publiée au JO le : 02/07/2013 page : 6919 Date de changement d'attribution : 20/03/2013
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