19-06-2013
Dans le cadre de la lutte contre les conflits d'intérêts, les textes examinés rendent incompatible le mandat de parlementaire avec les fonctions de conseil ou toute responsabilité au sein d'entreprises, dont une part substantielle de l'activité commerciale est entretenue avec l'administration .Les avocats sont vent debout contre ce projet.Les avocats d'affaires sont visés . Ils plaident « pour l'honneur des avocats » et pour un « Parlement pour tous ».Le Conseil national des barreaux, représentant la profession d’avocat, s'est réuni en assemblée générale le 15 juin 2013 pour réagir contre ce projet de Loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière,. Aux USA, l’IRS et le Département de la Justice poursuivent les « facilitateurs », c’est-à-dire les banquiers, avocats, fiscalistes, fiduciaires et conseils, de nationalité suisse ou autre, qui ont aidé (« conspiré avec ») des contribuables américains à dissimuler des avoirs non-déclarés.
Pour les banques suisses Wegelin & Co, Bank Frey et Zürcher Kantonalbank, c’était chaque fois la même chose: les employés étaient d'abord inculpés, et ensuite la banque.Les banques l’ont maintenant bien compris. La justice et le fisc américains veulent à présent faire passer le message aux cols blancs: l’assistance à l’évasion fiscale est punissable et les complices vont être poursuivis.Les autorités américaines ont indiqué être prêtes à émettre des mandats d’arrêt internationaux et elles comptent sur la coopération loyale des pays amis comme la France . A l'instar des USA, la France se dote d'une législation renforcée jugée liberticide par les avocats.
Communiqué Conseil National du Barreau
'Aussi légitime que puisse être l'objectif de lutte contre la fraude fiscale, les dispositions figurant dans le projet de loi portent une atteinte grave aux libertés publiques, individuelles et collectives.
Sous couvert de lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, une généralisation de la délation dans l’entreprise est organisée. En effet, une protection est garantie pour le « lanceur d’alerte » ayant « témoigné sur des faits constitutifs d’une infraction pénale dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions » ou les ayant « relatés », cette disposition valant pour toute infraction pénale, sans distinction.
La fraude fiscale elle-même s’entendrait de toute opération internationale et donnerait aux enquêteurs des pouvoirs exorbitants.
Notamment :
● En violation des principes fondamentaux de liberté de circulation des personnes et des capitaux, la détention de comptes bancaires ou de contrats souscrits à l'étranger (paradis fiscaux ou non) deviendrait un indice de fraude, suffisant à justifier l'octroi aux enquêteurs fiscaux du bénéfice de « techniques spéciales» telles la surveillance, l'infiltration, la garde à vue de quatre jours, les interceptions de correspondances téléphoniques au stade de l’enquête, les sonorisations et fixations d’images de certains lieux et véhicules, les captations des données informatiques et les saisies conservatoires.
● En cas de recours contre une décision de saisie de la propriété d’une personne non mise en cause dans la procédure pénale, il ne serait plus possible d'accéder à l'entier dossier pénal mais uniquement aux pièces de procédure se rapportant à la saisie contestée, ce qui empêcherait toute argumentation efficace de la défense sur le bien-fondé de la saisie.
● Sous le prétexte de "sécuriser les procédures de contrôle fiscal à caractère contradictoire", il est prévu que, sauf le cas de visites domiciliaires, l'administration fiscale puisse recourir à tout mode de preuve, y compris illicites.
● L'article 1741 du code général des impôts serait modifié afin que soit considérée comme circonstance aggravante le fait que la fraude ait été commise en bande organisée, incluant dans le champ de la prévention les conseils et intermédiaires.
Un amendement est par ailleurs en cours d'élaboration, qui prétend obliger les avocats à déclarer à l'administration fiscale l'ensemble des schémas fiscaux qu'ils élaborent pour leurs clients. Ces schémas d’optimisation seraient ainsi présumés, sauf accord de l'administration, comme des tentatives de fraude.
Cette atteinte au secret professionnel et à l’exercice de la profession d’avocat est inacceptable. Auxiliaires de justice, soumis notamment au principe essentiel de probité, les avocats participent quotidiennement au respect de la loi par leurs clients en leur présentant des schémas, qui sont des options entre les différentes dispositions, proposées par la réglementation fiscale.
La présomption de responsabilité pénale d'un contribuable et de ses conseils, sous le prétexte que des avoirs ou intérêts seraient détenus à l'étranger, est intolérable.
Les principes et règles existant en matière de fraude fiscale (abus de droit, fraude à la loi…) sont suffisants et rendent inutiles les pouvoirs exorbitants que le projet envisage d'accorder aux enquêteurs fiscaux.
Le nécessaire rétablissement de l'économie française et le retour à la croissance, ne seront pas réalisés en présumant que les investisseurs à l'international sont des fraudeurs et en renversant à leurs dépens la charge de la preuve.
Le Conseil national des barreaux dénonce avec fermeté de telles atteintes aux libertés publiques et demande solennellement au Gouvernement et au Législateur de retirer le projet de loi dont le vote est programmé."
Christian Charrière-Bournazel Président du CNB :la terreur fiscale et la nouvelle loi des suspects
"Le 17 septembre 1793, pendant la Terreur, fut votée la loi des suspects qui réputait tels ceux « qui, soit par leur conduite, soit par leurs relations, soit par leurs propos ou leurs écrits, s’(étaient) montrés partisans de la tyrannie ou du fédéralisme et ennemis de la liberté … » ainsi que « ceux qui ne (pourraient) pas justifier (…) de leurs moyens d’exister et de l’acquit de leurs devoirs civiques ».
Cette loi ordonnait l’arrestation de tous les ennemis, avoués ou susceptibles de l’être, de la Révolution. Les arrestations furent confiées aux comités de surveillance et non aux autorités légales. La Commune de Paris, le 11 octobre 1793, a défini les suspects en ces termes: « ceux qui n’ayant rien fait contre la liberté, n’ont aussi rien fait pour elle » !
Le projet de loi destiné à lutter contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière semble directement sorti des mêmes cerveaux. La paranoïa fiscale qui atteint aujourd’hui les hauts fonctionnaires, auteurs du projet de loi, s’inspire directement de Robespierre et de ses complices : ceux qui n’auront rien fait contre l’État seront cependant suspects de n’avoir rien fait pour lui.
Vous êtes invités, tous, à vous reporter au projet de loi qui prétend rendre douteux ce qui est légal. Il veut donner tout pouvoir à l’administration, y compris par la production de preuves illicites. Seront aggravées les peines et étendues à la matière fiscale les règles de procédure applicables au grand banditisme, à l’association de malfaiteurs et au terrorisme. En même temps, nous sommes tous priés de nous faire les délateurs des autres sans risque de condamnation.
Que chacun d’entre nous se mobilise auprès des représentants du peuple élus dans sa région, dans son département ou dans sa commune afin que l’on cesse de confondre la juste répression des fautes et le soupçon généralisé sur fond d’encouragement à la délation.
Puisse l’État se soucier plutôt de nous éclairer précisément sur ce qu’il fait de notre argent et des avantages qu’il consent, grâce à lui, à ses préposés et à ses élus."
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