26-03-2013
Le Conseil d'Etat a préconisé jeudi 21 Mars 2013 en assemblée générale que la taxe sur les très hauts
revenus, initialement fixée à 75% par le gouvernement, ne dépasse pas
66,66%. Après celui du Conseil constitutionnel, c'est un nouvel avis défavorable rendu sur cette mesure .
Le député socialiste Christian Eckert, rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, avait indiqué en février que la piste la plus probable était celle d'une taxe à 65% ou 66% sur les revenus supérieurs à deux millions d'euros par couple.Le "Gouvernement prend acte " de ce nouvel avis dans un communiqué publié vendredi 22 Mars et "étudie l’ensemble des options techniques envisageables", déclarant qu' "il en résulte que la taxation marginale des rémunérations les plus
élevées, soumises à des prélèvements sociaux à un taux inférieur de 7,5
points à ceux des revenus du patrimoine, ne saurait excéder 60 %."
COMMUNIQUE DU MINISTERE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES
Saisi pour avis, le Conseil d’Etat a précisé les contraintes juridiques encadrant la possibilité d’instaurer une taxation des rémunérations les plus élevées qui découlent des évolutions de la jurisprudence constitutionnelle.
Le Gouvernement en prend acte.Ces contraintes encadrent fortement les marges de manœuvre. Le Conseil d’Etat estime en effet que les principes à valeur constitutionnelle font obstacle, d’une part, à une taxation marginale cumulée des revenus supérieure à 66 % pour les revenus les plus élevés et, d’autre part, à une taxation qui serait différenciée selon la source des revenus. Le niveau des prélèvements sociaux étant différent selon la nature des revenus et devant être pris en compte dans le calcul de ce taux cumulé, il en résulte que la taxation marginale des rémunérations les plus élevées, soumises à des prélèvements sociaux à un taux inférieur de 7,5 points à ceux des revenus du patrimoine, ne saurait excéder 60 %.
Déterminé à agir pour la justice et à mettre en œuvre les engagements du Président de la République, le Gouvernement étudie l’ensemble des options techniques envisageables.
Les mesures retenues seront mises en œuvre au plus tard dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014.
Les mesures décidées compléteront celles déjà prises afin de rétablir l’équité fiscale et d’assurer une juste contribution aux charges publiques des plus fortunés : rétablissement d’un impôt sur la fortune réellement progressif, relèvement des droits de succession sur les plus gros patrimoines, augmentation de la progressivité de l’impôt sur le revenu et imposition progressive des revenus du capital comme de ceux du travail.
ASSEMBLEE GENERALE CONSEIL D’ETAT SECTION DES FINANCES Séance du jeudi 21 mars 2013
Demande d’avis relative aux conditions de constitutionnalité d’une contribution sur les très hauts revenus.
Le Conseil d’Etat, saisi par le ministre de l’économie et des finances sur les conditions de constitutionnalité d’une contribution sur les très hauts revenus, analogue à celle initialement prévue par l’article 12 de la loi de finances pour 2013 et déclarée contraire à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n°2012-662 DC du 29 décembre 2012, selon trois ensembles de questions ainsi résumés :
1°) Est-il possible de conserver une assiette limitée aux seuls revenus d’activité d’origine professionnelle, comme le prévoyait l’article 12 de la loi de finances pour 2013, ou convient-il d’asseoir la nouvelle taxe sur l’ensemble des revenus entrant dans l’assiette de l’impôt sur le revenu?
2°) Le taux d'imposition de 18% initialement prévu peut-il être maintenu ? Des modalités particulières d’imposition doivent-elles être prévues pour les revenus de capital dans l’hypothèse où ils seraient intégrés à l’assiette?Quel traitement accorder à certaines sources de revenus soumis d’ores et déjà à un régime de fiscalité plus lourde ? Convient-il de prévoir un mécanisme de quotient ou de lissage pour les revenus exceptionnels ?
3°) Dans quelles conditions l’existence du foyer fiscal doit-elleêtre prise en compte ?
Si le seuil de taxation retenu pour un couple était double de celui retenu pour un célibaaire,faudrait-il prévoir un mécanisme de plafonnement de l’avantage en impôt résultant de l’imposition commune et à quel niveau ?
Vu la Constitution,Vu le code général des impôts,
Est d’avis qu’il y a lieu de répondre, sous réserve de l’appréciation des juridictions compétentes, dans le sens des observations ci-après :
Par sa décision n°2012-662 DC du 29 décembre 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution l'article 12 de la loi de finances pour 2013 instituant une contribution exceptionnelle de solidarité sur les très hauts revenus, au motif qu’en soumettant à cet impôt les revenus d’activité d’origine professionnelle des personnes physiques, sans tenir compte, comme pour l'imposition de l'ensemble du revenu à l'impôt sur le revenu et à la contribution exceptionnelle prévue par l'article 223 sexies du code général des impôts, de l'existence du foyer fiscal, le législateur avait méconnu l'exigence de prise en compte des facultés contributives.
Or l’appréciation des facultés contributives des assujettis au niveau du foyer fiscal (« conjugalisation ») emporte desconséquences majeures.
1. La «conjugalisation», en ce qu'elle n'autorise pas la prise en compte de la répartition desrevenus au sein des couples soumis à imposition commune, ne permet pas d’atteindre l’objectif qui consisterait à taxer les bénéficiaires de rémunérations d'activité d’origine professionnelle très élevées,supérieures à un million d’euros.
En effet, un seuil d’assujettissement « conjugalisé » conduit nécessairement, s’il est égal àcelui défini pour les célibataires, veufs et divorcés, soit un million d'euros, à taxer, en cas de couples bi-actifs, des rémunérations individuelles inférieures à ce montant.
En revanche, si ce seuil d’assujettissement est supérieur à celui défini pour les célibataires, la « conjugalisation conduit àne pas taxer, en cas de couples mono-actifs, les rémunérations individuelles comprises entre un million d’euros et ce seuil.
L'objectif qui consisterait à imposer les rémunérations très élevées ne semble ainsi pouvoir être atteint, du moins en ce qui concerne les traitements et salaires, que par l’imposition de la partie versante,qui pourrait se traduire,sous réserve d’une analyse juridique plus détaillée,par la non-déductibilité du résultat imposable de la partie de la rémunération versée supérieure à un million d’euros ou la taxation de cette fraction de rémunération, à l’instar de la taxe à la charge des établissements de crédit égale à 50% du montant des bonus versés au titre de l'exercice 2009, pour la partie excédant le seuil de 27 500 euros par salarié, qui a été instituée par l’article 2 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010.
2.Par suite, l’institution d’une contribution «conjugalisée » sur les très hauts revenus ne saurait répondre qu’à un objectif de rendement, dans le cadre de la solidarité nationale.Dans cette perspective, une limitation de l’assiette de cet impôt aux seuls revenus d’activité d’origine professionnelle risque de ne pas être regardée par le juge constitutionnel comme objective et rationnelle en fonction des buts que s’assigne le législateur.
En effet, la non prise en compte de l'ensemble des facultés contributives créerait, entre les foyers fiscaux les plus aisés et selon la structure de leurs revenus, une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques, contraire à l'article 13 de la Déclaration de 1789.
Dès lors, l’assiette de cet impôt devrait être élargie à l'ensemble des sources de revenus perçus par les assujettis.
Or,l’article 2 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 a d’ores et déjà institué,en sus de l'impôt sur le revenu qui constitue, aux termes de l’article 1 A du code général des impôts, « l’impôt annuel unique sur le revenu des personnes physiques», une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus codifiée à l'article 223 sexies du code général des impôts, impôt temporaire, assis sur le revenu fiscal de référence des foyers, fiscaux les plus aisés.
Dès lors, plutôt que la création, sans autre justification que celle du rendement,d’un second impôt exceptionnel pesant sur l’ensemble des revenus des foyers les plus aisés,qui contribuerait à accroître encore la complexité de la législation fiscale sans motif d’intérêt général, le Conseil d’Etat recommande , compte tenu des objectifs que s’assigne le Gouvernement, de privilégier la modification du barème de l’impôt sur le revenu ou de la contribution exceptionnelle prévue à l’article 223 sexies du code général des impôts, par la création d'une tranche d’imposition supplémentaire ou l'augmentation des taux existants.
Pour respecter l’article 13 de la Déclaration de 1789, selon laquelle « Une contribution commune ...doit être également répartie entretous les citoyens ,en raison de leurs facultés», les nouveaux taux ou la nouvelle tranche mentionnés à l’alinéa précédent ne doivent pas revêtir un caractère confiscatoire ou faire peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives.
Or il résulte de la décision n°2012-662 DC du 29 décembre 2012 qu'un taux marginal maximal d'imposition des deux tiers, quelle que soit la source des revenus, doit être regardé comme le seuil au-delà duquel une mesure fiscale risque d’être censurée par le juge constitutionnel comme étant confiscatoire ou comme faisant peser une charge excessive sur une catégorie de contribuables en méconnaissance du principe d’égalité.
Ainsi un taux marginal maximal d’imposition supérieur aux deux tiers, pour les gains afférents à des plans d’option de souscription ou d’achat d’actions ou les avantages correspondant à la valeur des actions attribuées gratuitement, est jugé excessif pour uncontribuable célibataire percevant 150 000 euros de revenus (cons.81).
Le taux marginal maximal d’imposition neparaît pouvoir être supérieur à cette proportion des deux tiers que pour des niveaux de revenu très élevés, mais en deçà de 72% (cons.81),ou pour des revenus très spécifiques (bons anonymes: cons.51).
Par suite, la modification du barème de l'impôt sur le revenu ou de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ne saurait porter , sans risque de censure par le juge constitutionnel, le taux marginal maximal d'imposition au-delà des deux tiers.
Plus d'infos:
Communiqué du Ministère de l'Economie et des Finances N°490 du 22 Mars 2013
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