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La sauvegarde de justice dite "médicale" insuffisamment connue

16-12-2012

La sauvegarde médicale est si peu utilisée que personne n’en comprend véritablement les subtilités.

C'est une mesure de protection juridique provisoire permettant la représentation d’un majeur pour certains actes. Les personnes concernées peuvent souffrir d’une incapacité temporaire (un traumatisme crânien par exemple) ou durable.

Elle peut justement être utile dans ces cas douloureux touchant vos prochespour éviter des conséquences désastreuses si le majeur malade ou accidenté est un dirigeant ou associé d'une entreprise.  

Dans ce cas, la sauvegarde permettra de les protéger, dans l’attente de la décision d’une mesure de tutelle ou de curatelle.

Moins connue que celle décidée par le juge des tutelles, la sauvegarde dite « médicale » s’avère simple ; elle peut être demandée au procureur de la République par le médecin traitant, accompagnée de l’avis conforme d’un médecin psychiatre, ou par un médecin de l’établissement de santé où réside la personne.

Procédure par voie judiciaire :protection temporaire

La sauvegarde de justice est détaillée aux articles 433 à 439 du Code civil (CC) : « sous peine de caducité », la mesure est limitée à un an (art. 439), renouvelable une fois sur présentation d’un certificat médical circonstancié (art. 442) .

Elle permet principalement au juge des tutelles « saisi d’une procédure de curatelle ou de tutelle » de placer « pour la durée de l’instance » une personne qui a « besoin d’une protection juridique temporaire ou d’être représentée pour l’accomplissement de certains actes déterminés » (art. 433).

L’emploi du terme « représentée » importe : la tutelle est une mesure de représentation ; la curatelle, d’assistance et de contrôle. Le tuteur « fait à la place de » ; le curateur, « avec » la personne.

La sauvegarde de justice constitue une mesure conservatoire, dont la fonction première est d’agir rapidement, afin d’éviter que la situation d’un majeur vulnérable ne se détériore.

Il n’est donc pas nécessaire d’attendre que soit nommé un éventuel mandataire spécial, d’autant qu’il existe des sauvegardes sans mandataire.

On notera qu’il n’existe en revanche pas de curatelle sans curateur ni de tutelle sans tuteur.

La sauvegarde de justice est également une mesure d’urgence, puisque « le juge peut, en cas d’urgence, statuer sans avoir procédé à l’audition de la personne » : il entend celle-ci dans les meilleurs délais, sauf si, sur avis médical, son audition est de nature à porter préjudice à sa santé ou si la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté (art. 432 du CC).

Actions en rescision et en réduction

La rescision pour lésion est l’annulation, prononcée par le tribunal, d’un acte lésionnaire, c’est-à-dire d’un acte qui a lésé la personne protégée : signature d’un compromis, d’un contrat, d’un crédit ; signature ou résiliation d’un bail, etc.

Contrairement à l’action en nullité, qui n’efface que l’acte, l’action en rescision annule l’acte et tous ses effets : celui-ci est réputé n’avoir jamais existé ; il s’agit là de la stricte application de l’article 414-1 du Code civil, selon lequel, « pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit ».

Quant à la réduction pour excès, elle est définie comme l’action de demander au tribunal de ramener à de justes limites un acte excessif par rapport à la fortune de l’intéressé.

L’action en nullité, en rescision ou en réduction, s’éteint au bout de cinq ans (art. 1304 du CC). Elle n’appartient qu’à la personne protégée (ou à son mandataire, tuteur ou curateur) et, après sa mort, à ses héritiers. Plusieurs conditions doivent être respectées : l’acte doit porter en lui-même la preuve d’un trouble mental ; il doit avoir été réalisé alors que l’intéressé était placé sous sauvegarde de justice ; une demande de tutelle ou de curatelle doit avoir été introduite avant son décès, ou effet doit avoir été donné au mandat de protection future (art. 414-2 du CC). L’action en nullité, en rescision ou en réduction, est soumise à la sagacité des juridictions civiles ; le mandataire spécial peut recevoir mission du juge de l’exercer.

Procédure par voie médicale

Il n’est pas nécessaire que le psychiatre sollicité soit inscrit sur une liste ou qu’il ait la qualité d’expert.

Une déclaration médicale seule place la personne sous une mesure virtuelle, contrairement à une déclaration accompagnée de l’avis conforme d’un psychiatre, laquelle permet donc de contourner le certificat médical circonstancié devant être joint à la requête.

En pratique, la déclaration médicale est d’une grande simplicité :

« Je soussigné, docteur X. atteste que l’état de santé de M. Y., né à, le, domicilié à, nécessite son placement sous le régime de la sauvegarde à compter de ce jour. » L’avis conforme du psychiatre se présente sous la même forme : « Je soussigné, docteur Z., psychiatre, confirme la déclaration du docteur X. concernant l’état de santé de M. Y., qui nécessite son placement sous le régime de la sauvegarde à compter de ce jour. »

Dans le strict respect du secret professionnel et de la vie privée du patient, ces deux documents sont ensuite envoyés conjointement en recommandé avec accusé de réception au procureur de la République « du lieu de traitement ».

Celui-ci, le cas échéant, en avise « le procureur de la République du lieu de la résidence habituelle du majeur protégé » (art. 1248 du Code de procédure civile, CPC).

Le procureur de la République qui reçoit la déclaration aux fins de sauvegarde la mentionne dans un répertoire tenu à cet effet (art. 1251 du CPC). Il y ajoutera celle relative à un éventuel renouvellement et la déclaration aux fins de faire cesser la mesure.

Ce répertoire n’est accessible qu’aux autorités judiciaires ; aux personnes qui ont qualité, selon l’article 430 du Code civil, pour demander l’ouverture d’une mesure de protection (conjoint, concubin, parent ou allié, personne entretenant avec le majeur des liens étroits et stables ou qui exerce à son égard une mesure de protection juridique) ; aux avocats, notaires et huissiers de justice qui justifient de l’utilité de la déclaration dans le cadre d’un acte relevant de l’exercice de leurs fonctions (art. 1251-1 du CPC).

Dans le cas où le majeur est soigné en établissement de santé

Lorsqu’une personne est soignée dans un établissement de santé, le médecin, s’il constate que l’état du patient nécessite une mesure de protection, « est tenu d’en faire la déclaration au procureur de la République du lieu de traitement » (art. L.3211-6 du CSP). Le préfet est informé par le procureur de la mise sous sauvegarde. Nul avis conforme d’un psychiatre ne semble nécessaire quand la personne est soignée dans un établissement de santé au sens de l’article L.6111-1 du CSP, qui les définit par leurs missions et ne vise pas seulement les établissements de soins psychiatriques.

Le médecin est « tenu » : il n’est donc pas « obligé ».

Le législateur a considéré qu’il s’agissait là d’un devoir, ce qui reste éminemment subjectif. Nulle sanction n’est d’ailleurs prévue en cas de manquement.

La sauvegarde médicale est prise pour une durée d’un an maximum, renouvelable une fois. Toutefois, les modalités de ce renouvellement ne sont pas précisées. En outre, la jurisprudence en la matière est inexistante.

La mesure prend fin par une nouvelle déclaration du médecin au procureur de la République attestant que la situation qui avait justifié la déclaration de sauvegarde a cessé, ou par l’ouverture d’une mesure de tutelle ou de curatelle, le jour où celle-ci prend effet.

En définitive, la sauvegarde médicale ne semble présenter que des avantages.

Elle ne prive la personne protégée d’aucun droit et n’est en rien liberticide. Elle permet d’agir a posteriori pour annuler un acte contraire à ses intérêts ; elle est gratuite, et l’intéressé n’a pas à l’accepter, ou à se soumettre à une quelconque expertise. La mesure est mise en place immédiatement et facilite le travail de ceux qui tentent de gérer, voire de résoudre, les difficultés sociales, économiques et financières du majeur vulnérable.

Trois dispositifs.

La loi du 5 mars 2007 réformant la protection juridique des majeurs distingue implicitement trois formes de sauvegarde : celle « pour la durée de l’instance », prononcée comme mesure conservatoire d’urgence par le juge saisi d’une requête de curatelle ou de tutelle ; la sauvegarde de justice dite « rénovée », mesure à part entière ordonnée par le juge lorsque la personne « a besoin d’une protection juridique temporaire, ou d’être représentée pour l’accomplissement de certains actes déterminés » ; enfin, la sauvegarde dite « médicale », à la suite d’une déclaration faite au procureur de la République par le médecin traitant ou le médecin de l’établissement de santé de l’intéressé.

Mesure d’urgence par excellence.

Méconnue des professionnels sanitaires et sociaux, la sauvegarde médicale permet au médecin de placer lui-même la personne à laquelle il dispense des soins sous un régime de protection, par un simple certificat médical de trois lignes. Protectrice et sans effet indésirable, cette mesure s’applique sans tarder.

Que ce soit en raison de son montant (trop élevé pour qu’un assistant de service social puisse l’avancer) ou parce que la personne refuse de rencontrer le médecin, le certificat médical circonstancié peut constituer un obstacle.

Pour  « contourner » le certificat médical circonstancié, deux solutions existent.

La première est le placement sous sauvegarde médicale, confirmé par l’avis conforme d’un psychiatre, assorti d’une demande de nomination d’un mandataire spécial - lequel pourra avoir pour mission de solliciter la mise en place d’une tutelle ou d’une curatelle.

En effet, le certificat médical circonstancié n’est alors pas nécessaire.

En revanche, il peut être requis par le procureur de la République ou ordonné par le juge des tutelles. Dans ce cas, il est pris en charge « dans les conditions prévues au 3° de l’article R.93 du Code de procédure pénale » (art. 1256 du Code de procédure civile, CPC). Il est donc possible d’adresser au procureur de la République une requête à la fin d’ouvrir une mesure de protection, en argumentant l’absence de certificat (impossibilité de le faire payer par la personne ou par sa famille).

Plus d'infos:

Loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs .

Code civil : art. 414-2 , 425 , 430, 432 à 439 , 442, 457-1 à 463, 510, 1304.

Code de la santé publique : art. L.3211-6 , L.6111-1.

Code de procédure civile : art. 1248 à 1251-1 , 1256.

Code de procédure pénale : art. R224-2 , art. R.93.

 




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