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Evaluer la valeur d'une récompense entre époux

12-10-2012

Sauf sous le régime de la communauté universelle, les relations patrimoniales des époux ayant opté tacitement ou par contrat, pour l'adoption d'un régime de communauté créent de ce fait, plusieurs masses patrimoniales distinctes :

-les biens propres de l'époux,
-les biens propres de l'épouse,
-les biens tombés en communauté qui sous le régime de la communauté légale sont dénommés acquêts en raison de ce qu'ils ont été acquis après la célébration du mariage.

Si l'une ou l'autre de ces masses a servi à payer une créance dont le propriétaire se trouvait débiteur, alors celui des époux qui a payé et qui, de ce fait, s'est appauvri sans contrepartie, peut en réclamer le montant à l'autre époux auquel il incombait d'acquitter cette dette.

On dit alors que l'époux débiteur "doit récompense".

Suite à la rupture du lien conjugal et de la communauté, liée à un divorce ou  à un décès, il y a lieu de procéder à un compte de liquidation - partage qui  interviendra entre époux, ou, entre les héritiers du défunt et le conjoint survivant en cas de décès.

Les époux sont mariés sous un régime séparatiste, ce qui suppose une distinction entre deux types de biens ; ceux  qui leurs seront personnels ( sur lesquels aucune revendication ne sera possible)  et  ceux acquis en indivision ( achetés ensemble avec une certaine répartition envisagée ou la quote-part de l’indivision).

Les époux sont soumis à un régime communautaire, ce qui sera la majorité des cas, de façon tacite, lorsque les époux, n’auront souscrits aucun contrat de mariage. Ils seront alors soumis au  régime légal de la communauté de biens réduite aux acquêts ( c'est-à-dire biens acquis durant le mariage).

Sauf cas de régime de la communauté universelle, où tous les biens seront mis en communs, même ceux acquis avant le mariage ; il y aura lieu d’apprécier et de distinguer après la «  reprise » des biens propres 3 sortes de patrimoines.

- Les biens propres de chaque époux (ceux leur appartenant à titre personnel), étant précisé que dans le régime légal tous  biens possédés avant le mariage ou reçus par donation ou succession sont des biens propres.

-Les biens communs, constitués des gains et salaires des époux, ceux acquis durant le mariage.

C’est dans ce cadre précis, que les mouvements effectués entre les divers patrimoines seront envisagés afin d’évaluer les indemnités  ou « récompenses » au sein de cette communauté.

La récompense est une indemnité destinée à maintenir l’équilibre des patrimoines due au profit  des époux ou de la communauté elle-même.

La récompense peut être définie comme une indemnité due lors de la dissolution du régime matrimonial à la communauté lorsque le patrimoine personnel d’un époux s’est enrichi au détriment de celle-ci ou à l’époux si la communauté s’est enrichie à son détriment.

Ce procédé technique est destiné à maintenir, l'équilibre des patrimoines propres des époux et de leur patrimoine commun, pour éviter que la masse de biens commune ne se trouve, au moment du partage, augmentée ou diminuée au détriment, ou au profit du patrimoine propre de l'un des époux.

Lorsqu’un époux aura pris une somme à la communauté pour s’acquitter d’une dette  personnelle qui serait  antérieure au mariage avec les fonds communs. Il devra une « récompense ».

De même s’il prend un bien à la communauté pour consentir une donation à titre personnel, ou s’il prive la communauté de revenus…

1ère Civ 14 novembre 2007, pourvoi n° 05-18.570

«  La cour d’appel a retenu à bon droit que les soldes débiteurs des comptes bancaires professionnels du mari avaient été apurés à l’aide de deniers communs afin d’éviter la disparition du fonds artisanal ; elle en a exactement déduit que Monsieur X  était redevable envers la communauté d’une récompense à raison de la dépense faite pour la conservation d’un bien lui appartenant en propre.

1ère Civ, 28 février 2006, pourvoi n° 03-16-887

Il résulte de l’article 1437 du code civil    qu'un époux ne doit récompense  à la communauté que lorsqu'il est pris une somme sur celle-ci ou, plus généralement, lorsque l'époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté. Il s'ensuit que la plus-value procurée par l'activité d'un époux ayant réalisé lui-même certains travaux sur un bien qui lui est propre, tels ceux effectués grâce à son travail personnel durant ses moments de loisirs, ne donne pas lieu à récompense  au profit de la communauté. »

1ère Civ, 8 novembre 2005 (BICC n°634 du 1er février 2006) a jugé que :

« les époux ne sont pas tenus à récompenses envers la communauté, l'un pour les pensions alimentaires versées, pendant la durée du mariage à ses filles nées d'une précédente union, l'autre pour les pensions de même nature servies, pendant le mariage, à sa fille issue d'une précédente union et à son père, alors que ces dettes constituent un passif définitif de la communauté »

1ère Civ, 22 novembre 2005, pourvoi n° 02-19.283

A droit à récompense, à la charge de la communauté, l'épouse qui a perçu des sommes dans le cadre de la succession de son père, lesquelles ont été encaissées sur les comptes de la communauté. Cela supposera que la preuve des sommes héritées a été rapportée.

Cass. civ. 1ère, 15 déc. 2010 (pourvoi n°09-17217) :  pour fixer le montant de la récompense au montant de la dépense faite, les juges doivent constater que le profit subsistant est d'un montant inférieur à la dépense faite.

Le principe du calcul est prévu par l’article 1469 du Code Civil : le montant de la récompense est égal à la plus faible des sommes entre la dépense qui a été réalisée et la plus-value qui a été apportée au bien lors de la liquidation du régime matrimonial.

Cependant, certains correctifs s’appliquent :

Elle est au minimum égale à la dépense réalisée si celle-ci était nécessaire.

Elle correspond au profit subsistant (c’est-à-dire la plus-value réalisée) lorsque la dépense a servi à acquérir, conserver ou améliorer un bien.

Le profit subsistant (la plus-value) est déterminé en fonction de la date de liquidation de la communauté. Il s’agit donc de la valeur ajoutée dont a bénéficié le bien (notamment par le biais des travaux réalisés…).
 
La dépense nécessaire est une notion non définie par le Code Civil. Elle s’étudie au cas par cas. Il peut notamment s’agir de dépenses ayant permis d’éviter au bien de se détériorer, ou de dépenses effectuées pour les besoins vitaux de la famille….

La récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant :

- la récompense doit être égale à la dépense faite quand celle-ci était nécessaire.

- la récompense ne peut être inférieure au profit subsistant quand les fonds empruntés à la communauté ont servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien propre.

En matière de dépenses de conservation ou d'amélioration, la récompense se détermine par comparaison entre la valeur actuelle du bien intégrant les améliorations et la valeur actuelle du bien sans ses améliorations.

Les travaux payés par un époux avec ses fonds propres pour financer la construction d'une maison ou d'aggrandissements sur le terrain propre de son conjoint sont des dépenses d'amélioration.

On calcule la récompense en opérant une simple soustraction :  

Valeur Actuelle du bien après travaux - Valeur Actuelle du bien avant travaux.

Cass. civ. 1ère 4 nov. 2010 (pourvoi n°09-15838)   : pour déterminer l'avantage réellement procuré au patrimoine de l'épouse, il convenait, d'abord, de chiffrer la plus value procurée à l'immeuble par les travaux de construction et d'amélioration en déduisant de la valeur de ce bien au jour de sa vente la valeur qu'il aurait eue à la même date sans les travaux réalisés et, ensuite, de déterminer le profit subsistant d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté avaient contribué aux travaux d'amélioration.

En matière de dépenses d'acquisition, la récompense se calcule en rapportant la valeur empruntée au coût global d'acquisition du bien et en revalorisant par la valeur actuelle du bien acquis.

On calcule alors la récompense en effectuant une règle de trois :

(Valeur Empruntée x Valeur Actuelle du bien / Coût Global d'Acquisition), soit  VE x VA / CGA.

Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation du régime matrimonial, le profit est évalué au jour de la vente.

Si un nouveau bien a été subrogé au bien vendu, le profit est évalué sur ce nouveau bien

L'immeuble édifié sur un terrain propre constitue lui-même un bien propre.

Selon le dernier arrêt de la Cour de Cassation du 26 Septembre 2012, la récompense due à la communauté est égale, non à la valeur du bien, mais à la plus-value procurée par la construction au fonds. Fonds sur lequel celle-ci est implantée et déterminée d'après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté ont contribué au financement de l'amélioration du bien propre.

Cassation 26/09/12 n° 11-20.196

Plus d'infos:

Article 1468 du code civil dispose «  Il est établi, au nom de chaque époux, un compte des récompenses que la communauté lui doit et des récompenses qu'il doit à la communauté …. »

Article 1437 du code civil « Toutes les fois qu'il est pris sur la communauté une somme, soit pour acquitter les dettes ou charges personnelles à l'un des époux, telles que le prix ou partie du prix d'un bien à lui propre ou le rachat des services fonciers, soit pour le recouvrement, la conservation ou l'amélioration de ses biens personnels, et généralement toutes les fois que l'un des deux époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté, il en doit la récompense »




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