24-06-2012
En quoi la déontologie de la profession d’avocat est-elle aussi garante de sa modernité ?
Bâtonnier Christian Charrière-Bournazel , Président du Conseil National des Barreaux
"Une profession reste moderne lorsque son utilisé s’accroît. La profession d’avocat s’efforce de répondre aux besoins de droit de nos contemporains. La sécurité juridique est une condition du progrès. Et partout où le droit est en cause, l’avocat est préférable à tout autre professionnel car il est astreint à une déontologie exigeante. Elle n’est pas un frein à l’activité de l’avocat, mais un avantage concurrentiel : l’indépendance de l’avocat, son respect intransigeant du secret, l’interdiction de se trouver en situation de conflit d’intérêts et le respect des droits des autres sont autant d’atouts qui, joints à la compétence toujours plus grande, rendent la profession plus efficace.
Depuis plusieurs années, nous avons multiplié les domaines d’intervention de l’avocat autour de la notion de mandataire : l’avocat peut désormais être mandataire aux fins d’une vente immobilière, mandataire d’un sportif pour négocier ses contrats, mandataire d’un artiste, etc … Il peut également être fiduciaire ou lobbyiste, référent pour la Commission nationale informatique et liberté, etc …
Dans toutes ces activités nouvelles, ce qui rend l’avocat plus attirant, c’est précisément le respect intransigeant de ses règles déontologiques qui sont, en fait, la manifestation du respect que l’on porte à l’autre : on ne peut pas revendiquer plus de droits que l’on n’en reconnaît à autrui. Dans une société où l’exigence éthique est de plus en plus grande, la déontologie va de pair avec la modernité.
Quel est, selon vous, le rôle actif que peuvent jouer les avocats au service de la mise en oeuvre de la responsabilité sociétale des entreprises ?
Bâtonnier Christian Charrière-Bournazel ,Président du Conseil National des Barreaux
"Dans les entreprises, le commissaire aux comptes est chargé de contrôler la rigueur des opérations économiques et financières dans le respect de la loi. L’avocat, son homologue pour le droit, a pour mission de veiller à ce que l’entreprise respecte les règles juridiques dans toutes leurs composantes : mise en oeuvre de la représentation des salariés et du dialogue social ; aide à la gestion rationnelle et humaine du personnel ; respect de la législation en matière fiscale, douanière et de lutte contre le blanchiment ; initiation de bonnes pratiques en matière de délocalisation dans les pays à moindre protection sociale ; mise à jour sur le territoire national des prescriptions environnementales en faveur d’un développement durable.
La famille et l’entreprise sont, en effet, les lieux où doit s’épanouir l’individu et où doivent se fortifier les valeurs qui forment la conscience collective. L’avocat joue donc un rôle primordial dans cette pédagogie qui consiste à enseigner, non pas le respect de la règle par crainte, mais la sauvegarde de la loi pour l’intérêt général."
En quoi cet anniversaire est-il emblématique des engagements de votre profession au service des valeurs de la République ?
Bâtonnier Christian Charrière-Bournazel, Président du Conseil National des Barreaux
"Le bicentenaire du rétablissement d’un barreau ou de sa création marque une victoire de la liberté sur le despotisme. À chaque fois que le barreau est menacé, à chaque fois qu’un avocat dans le monde est persécuté pour les actions qu’il accomplit au service de la défense, la tyrannie triomphe.
Il est paradoxal, d’ailleurs, de constater que nos révolutionnaires de 1789, Danton, Robespierre, Camille Desmoulins, Saint-Just et les autres étaient tous avocats. Ils ont conçu la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui a inspiré toutes les autres déclarations des droits de la personne humaine depuis deux cents ans. Lorsqu’en 1793 ils ont institué ou toléré la Terreur, ils ont interdit que les suspects fussent défendus devant le Tribunal révolutionnaire par des avocats. Cette régression de la défense ne montre pas seulement qu’ils étaient devenus fous, mais qu’un univers dans lequel l’avocat est ignoré ou persécuté n’a plus rien d’une démocratie.
En 2008, j’avais pris l’initiative comme bâtonnier de Paris de faire signer une Convention des avocats du monde par les représentants de plus de cent barreaux ou organisations professionnelles aux termes de laquelle nous prenions tous l’engagement de nous venir en aide les uns aux autres en tout point de l’univers, dès que l’un ou l’autre d’entre nous serait persécuté en raison de l’exercice de son métier.
C’est ainsi que des avocats français, y compris de Montpellier, se rendent à l’étranger comme observateurs judiciaires pour témoigner de notre solidarité vis-à-vis de nos confrères persécutés ou tenter de troubler la conscience des dictateurs par leur seule présence de témoins.
Cette solidarité n’a rien d’un corporatisme : c’est l’union sacrée d’hommes et de femmes indépendants au service des libertés dans la tradition romaine des tribuns de la plèbe dont la personne était sacrée."
Source : Bicentenaire du Barreau de Montpellier Juin 2012
|
Soyez le premier à commenter cet article