Qu'est ce que la clause bénéficiaire et comment la rédiger ? Page 4 sur 11
1. Qu'est ce que la clause bénéficiaire La clause bénéficiaire du contrat d’assurance-vie est la clause par laquelle le souscripteur désigne la ou les personnes qui percevront le capital lorsque le risque garanti se réalisera. Le plus grand soin doit donc être apporté à la rédaction de cette clause. Une rédaction défectueuse peut en effet aboutir à la non-application de la clause bénéficiaire, le capital retournant alors dans la succession du souscripteur. 2. Formules à utiliser pour désigner le bénéficiaire Les clauses sont généralement pré-rédigées sous la forme suivante : « mon conjoint, à défaut mes enfants nés ou à naître, vivants ou représentés, par parts égales entre eux, à défaut mes héritiers ». Cette structure « X, à défaut Y » s’explique par le fait qu’en cas de décès du premier bénéficiaire, il faut avoir prévu un bénéficiaire en second, sans quoi le capital retournerait dans la succession du souscripteur. On l’a vu, la désignation du bénéficiaire est un droit exclusif pour le souscripteur qui peut donc, bien évidemment, modifier les termes de la clause. En pratique, le souscripteur devra indiquer très précisément à l’assureur les personnes qu’il entend désigner comme bénéficiaires afin que ce dernier l’assiste dans la rédaction de la clause. 3. Comment désigner le bénéficiaire ? La désignation du bénéficiaire est indépendante du contrat d’assurance et ne revêt, de ce fait, aucun caractère contractuel. Il s’agit en effet d’un acte unilatéral qui n’exige ni le concours du bénéficiaire, ni le consentement de l’assureur. Il ne dépend que de la volonté du souscripteur. La loi énumère divers types de supports permettant la désignation de bénéficiaire. Elle peut être réalisée : - soit dans la police du contrat elle-même : il n’existe pas de formalisme particulier, le souscripteur indiquant simplement, à la conclusion, du contrat, la ou les personne(s) qu’il désigne comme bénéficiaire(s). - soit par voie d’avenant au contrat : cette forme de désignation est fréquemment utilisée quand le souscripteur, en cours de contrat, désire révoquer le bénéficiaire initial et lui substituer une autre personne. - soit par simple lettre : cette forme de désignation est tout à fait valable et se suffit à elle-même dès lors que le souscripteur marque clairement sa volonté de désigner comme bénéficiaire de la prestation telle ou telle personne, et ce, même si l’assureur n’a pas encore rédigé l’avenant demandé. - soit par acte notarié - par testament 4. Qui peut-on désigner comme bénéficiaire ? Le bénéficiaire peut être une personne physique ou une personne morale. Les personnes morales peuvent être des - personnes morales de droit privé : tel est le cas d’une assurance décès souscrite au profit de l’entreprise sur la tête de ses dirigeants ou de ses principaux collaborateurs … - personnes morales de droit privé poursuivant une mission d’utilité publique : association reconnue, fondation …. - personnes morales de droit publique : Etat, collectivité locales, établissements publics … Le bénéficiaire doit être déterminé ou tout au moins déterminable. A défaut, l’assurance est censée ne pas avoir de bénéficiaire. Cette désignation peut être : - nominative : « mon épouse, Madame X née le … » - indirecte : « mes enfants nés ou à naître » « mon conjoint » « mes héritiers » « mes ayants-droit » « mon conjoint, à défaut mes enfants » Ces clauses types sont souvent ambiguës et leurs réalisations ne répondent pas toujours aux attentes des souscripteurs. C’est pourquoi les praticiens ont dressé une liste de pièges à éviter 5. Comment modifier la clause bénéficiaire ? La désignation d’un bénéficiaire peut être révoquée avant toute acceptation du bénéficiaire. Le souscripteur peut alors décider de changer de bénéficiaire. Il existe cependant quelques situations où le bénéficiaire désigné et de surcroît acceptant peut être exceptionnellement révoqué (ex : tentative de meurtre ou d’assassinat par le bénéficiaire sur la personne assurée). Pour être licite et opposable à l’assureur, la modification de bénéficiaire doit être réalisée selon les dispositions édictées par la loi. Cependant, cette liste n’est pas limitative. Le souscripteur pourrait modifier le bénéficiaire par simple lettre adressée à l’assureur. A noter : Le bénéficiaire peut toujours renoncer à sa désignation au titre de l’assurance. Cette renonciation est indépendante de son acceptation ou de sa renonciation à la succession du souscripteur. Dans ce cas, l’assurance-vie est automatiquement attribuée au second bénéficiaire désigné par le souscripteur (Réponse ministérielle Roques du 27 septembre 1993). 6. Blocage du contrat si le bénéficiaire accepte le contrat Le souscripteur a toute liberté pour revenir sur ses choix et modifier la clause bénéficiaire au profit d’une autre personne sauf, et c’est là une très importante exception, si le premier bénéficiaire désigné a accepté le contrat. La seule possibilité pour le souscripteur de conserver intacte sa liberté de désignation du bénéficiaire est donc de laisser ce dernier dans l’ignorance de sa désignation. C’est pourquoi il peut être conseillé de désigner le bénéficiaire par acte testamentaire. En pratique, le souscripteur indiquera dans la clause bénéficiaire : « dispositions prises par testament déposé chez Maître X, notaire à… ». La désignation du conjoint comme bénéficiaire du contrat est un cas particulier. En effet, tout comme il est toujours possible de revenir sur une donation faite au profit de l’époux, il est également toujours possible de désigner comme bénéficiaire du contrat une autre personne que le conjoint, alors même que ce dernier aurait accepté la clause. Toutefois, cette modification n’est pas possible dans le cas où chaque époux souscrit un contrat au profit de son conjoint. 7. Le démembrement de la clause bénéficiaire : a) Fonctionnement Toujours dans le souci de désigner plusieurs bénéficiaires, la pratique a développé la technique du démembrement de la clause bénéficiaire dans les contrats d’assurance-vie. Il s’agit de prévoir deux bénéficiaires pour le capital décès : le premier (souvent le conjoint du souscripteur- assuré) recevant l’usufruit (droit de percevoir les revenus, intérêts, dividendes) du capital décès et le second (souvent les enfants), la nue- propriété (droit d’accéder à la pleine propriété au décès de l’usufruitier) du capital décès. Sachant qu’au décès de l’usufruitier, l’usufruit s’éteint et rejoint la nue-propriété pour former la pleine propriété en franchise de droits de succession, l’utilisation de cette technique juridique dans les contrats d’assurance-vie permet de transmettre un capital sur deux générations en franchise de droits de succession. La désignation du conjoint comme bénéficiaire en usufruit et des enfants comme bénéficiaires en nue-propriété présente l’avantage, par rapport à une désignation du seul conjoint, de protéger le premier sans nécessairement léser les seconds : ce procédé permet de limiter le risque d’une éventuelle contestation par les enfants. • Droits du bénéficiaire usufruitier Au terme du contrat les prestations garanties sont soit soumises à quasi-usufruit et intégralement versées à l'usufruitier, qui peut en disposer librement, à charge de restituer l'équivalent au nu-propriétaire à la fin de l'usufruit, autrement dit à son décès en cas d'usufruit viager (cas le plus fréquent) ou avant, si l'usufruit a été constitué pour une période déterminée, soit réparties en pleine propriété entre le bénéficiaire en usufruit et le bénéficiaire en nue-propriété, selon la barème fiscal prévu à l'article 762 du Code Général des Impôts. • Droits du bénéficiaire nue-propriétaire Si les prestations sont soumises à quasi-usufruit, le nue-propriétaire dispose seulement d'une créance dite "de restitution" sur la succession de l'usufruitier, d'un montant égal au capital qui avait été versé à ce dernier. Inversement, si les prestations sont réparties entre les deux bénéficiaires, le bénéficiaire en nue-propriété recueille la part qui lui est dévolue par application de l'article 762 du Code Général des Impôts. b) Régime fiscal Si elles sont soumises à quasi-usufruit, les prestations sont transmises deux fois : • une première fois au terme du contrat, au bénéficiaire quasi-usufruitier : le régime fiscal de l'assurance-vie a vocation à s'appliquer ; • puis une seconde fois, au bénéficiaire nue-propriétaire , à la fin du quasi-usufruit (décès de l'usufruitier, le plus souvent), à hauteur de la créance de substitution : le nue-propriétaire étant titulaire d'une créance sur la succession de l'usufruitier, cette créance peut venir en déduction de l'assiette successorale. c) Avantages attachés à la stipulation d’une clause bénéficiaire démembrée Le démembrement de la clause bénéficiaire consiste à ce que l'assuré stipule que le capital versé à son décès reviendra en usufruit à telle personne et en nue-propriété à telle autre. Dans ce cas, le démembrement joue sur une somme d'argent, en l'occurrence les actifs monétaires versés par la compagnie d’assurance aux bénéficiaires. Dès lors, on se trouve en présence d'un quasi-usufruit au sens de l'article 587 du Code Civil. Le quasi-usufruitier peut dépenser les actifs monétaires comme s'il en était propriétaire à charge pour lui de rendre l'équivalent, en argent ou en nature, à l'extinction de l'usufruit. Ainsi, le nue-propriétaire a une créance sur la succession de l'usufruitier. Or, une telle créance est fiscalement déductible de l'actif successoral de l'usufruitier. Dans ces conditions, le contrat d'assurance-vie, combiné à la technique du quasi-usufruit, peut devenir un excellent véhicule pour transmettre un capital à une personne sans porter préjudice à une autre. Autre possibilité en assurance-vie : la cosouscription d’un contrat en démembrement. Elle est utile pour le remploi d’un capital issu de la cession d’un bien démembré. Cela consiste à démembrer le droit au rachat du contrat. L’opération est juridiquement complexe et requiert un formalisme pointilleux. A ne pas confier à n’importe quel conseiller financier ! 8. Des clauses bénéficiaires adaptées Il convient en effet souvent de recourir à des clauses plus adaptées aux besoins du souscripteur et à sa situation familiale. La clause bénéficiaire permet une grande souplesse en la matière. Les souscripteurs ont donc la possibilité de mettre en place des clauses bénéficiaires sur mesure, dont voici quelques exemples Les clauses tiroirs Il est primordial de désigner plusieurs bénéficiaires et de prévoir dès l’origine la répartition du capital transmis entre les bénéficiaires pour ne pas provoquer de mésentente familiale. Les clauses tiroirs, dont voici un exemple, sont ces outils de protection : « mon fils A, pour 50% de la somme disponible, à défaut ses enfants, mon fils B, pour 50% de la somme disponible, à défaut ses enfants. » 9. La clause bénéficiaire avec charge : Il est possible d’introduire dans la désignation bénéficiaire une charge que devra remplir le bénéficiaire. Ces charges peuvent être très différentes : « à charge pour elle de recueillir : mon chat … » ou « à charge d'entretenir ma tombe … » « à la condition qu’il ne perçoive pas le capital avant sa majorité » « etc … » La réglementation et la jurisprudence sur les libéralités avec charges sont alors applicables. Il faut en particulier que la charge, n’en soit pas impossible, illicite ou immorale (ex : « à charge pour elle de se marier avec Monsieur X … »). En cas de non accomplissement de la charge, il y a possibilité pour les personnes intéressées de demander la résolution judiciaire de celle-ci. 10. Les clauses spécifiques Clause plafonnée Cette clause a pour objectif d'instaurer pour chacun des bénéficiaires désignés un plafond libellé en euros. Il y a toutefois quelques précautions à prendre : • ne pas oublier de prévoir un bénéficiaire pour le solde éventuel du contrat ; • garder à l'esprit que le capital peut sensiblement évoluer (à la hausse comme à la baisse), en raison de l'évolution de la valorisation des supports en unités de compte (OPCVM) et des éventuels retraits partiels et/ou avances que le souscripteur a pu demander. Clause cumulative. Cette clause a pour objectif d'attribuer à chacun des bénéficiaires une part du capital libellée en pourcentage. Seule précaution à prendre : prévoir pour chaque part un second rang afin d'éviter que la part orpheline ne tombe dans la succession de l'assuré, en cas de prédécès d'un bénéficiaire de premier rang. 11. La clause d'inalienabilité de la clause bénéficiaire La clause bénéficiaire du contrat souscrit par un père ou une mère au bénéfice de son enfant pourra comporter une clause d’inaliénabilité jusqu’à un age donné de leur enfant afin qu'il ne puisse pas percevoir le capital décès avant cet âge. La clause d’inaliénabilité devra prévoir qui administrera les sommes issues du capital décès au jour du décès de l'assuré s’il survient alors que l'enfant est âgé de moins de l'age prévu. Cette clause devra être déposée chez le notaire afin que ce dernier puisse veiller au respect de la clause d'inaliénabilité. La clause d’inaliénabilité doit être temporaire et justifiée par un intérêt sérieux et légitime ( frais d'études par exemple..). La clause bénéficiaire devra alors prévoir le tiers chargé d'administrer les sommes issues du capital décès par cette clause. Celle-ci devra également être déposée chez le notaire afin que ce dernier puisse veiller au respect de la clause d'inaliénabilité. A noter : si la raison ayant motivé la clause d’inaliénabilité a disparu, le juge pourra toujours décider de faire tomber cette clause et permettre au bénéficiaire d’utiliser le capital décès. 12. Comment percevoir le bénéfice du contrat en tant que bénéficiaire ? En cas de décès de l’assuré, et quelle que soit la date à laquelle il survient, la compagnie doit verser au bénéficiaire du contrat, les capitaux dus ou la rente prévue. Pour percevoir ce capital ou cette rente, le bénéficiaire dispose d’un délai de 10 ans pour faire valoir ses droits. Il doit donc accepter le bénéfice du contrat et pour cela avoir eu connaissance du dénouement du contrat. Cette acceptation peut être notifiée à la compagnie d’assurance par simple lettre. Ayant accepté le bénéfice du contrat par simple lettre, le bénéficiaire est alors tenu à certaines formalités pour obtenir le versement du capital ou de la rente. Il doit adresser à la compagnie : - un extrait d’acte de décès de l’assuré - une fiche individuelle d’état civil - l’original du contrat. Ce n’est que lorsque la compagnie dispose de ces pièces que commence à courir le délai de 30 jours au terme duquel le paiement doit avoir lieu. En cas de désignation de bénéficiaire par testament, la compagnie exigera qu’il soit justifié de la qualité de bénéficiaire par la présentation du testament. En général, un délai de trois mois au moins s’écoulera entre la naissance du droit au capital et son règlement effectif. 13. Changement depuis la loi du 15 Décembre 2005 pour désigner le bénéficiaire Depuis une loi du 15 décembre 2005, la notice du contrat doit comporter une information sur les modalités et les conséquences de la désignation d'un ou de bénéficiaire(s). Attention, la rédaction doit être claire et précise. Elle doit comprendre la désignation d’au moins un bénéficiaire, à défaut le capital (ou la rente) garanti ou la quote-part attribuée au bénéficiaire décédé fait partie intégrante de la succession du souscripteur et à ce titre, est taxable. Il est conseillé de prévoir le cas de prédécès du bénéficiaire désigné car, le capital (ou la rente) garanti ou la quote-part attribuée au bénéficiaire décédé fait partie intégrante de la succession du souscripteur et donc est taxable, si le bénéficiaire décède avant ou en même temps, sans indication dans la clause bénéficiaire d’un ou plusieurs autre(s) bénéficiaire(s). Et, dans le cas où l’un des bénéficiaires décéderait avant le souscripteur sans l’indication d’une transmission à ses propres héritiers, sa part augmenterait celle des autres bénéficiaires désignés, vivants au jour du décès du souscripteur et sera taxable. Toutes ces hypothèses ne correspondent pas au but recherché, en général, par le souscripteur. 14. Comment est informé le bénéficiaire au décès ? • En apportant la preuve du décès du souscripteur, tout intéressé peut demander par écrit, à être informé de l'existence d'une stipulation effectuée à son profit auprès des organismes suivants : la fédération française des sociétés d'assurance, le groupement des entreprises mutuelles d'assurance, le centre technique des institutions de prévoyance. • L'assureur informé du décès de l'assuré, doit aviser le bénéficiaire dont les coordonnées figurent au contrat, de l'assurance souscrite à son profit.
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