07-04-2007
Mis à mal par la loi dite DADVSI, qui légalisait les MTP (mesures techniques de protection) plus connues sous leur acronyme anglo-saxon DRM (Digital Rights Management), le droit à la copie privée vient d'être rejeté par la Cour d'Appel de Paris appelée à intervenir dans un dossier vieux de trois ans concernant le contournement des protections du DVD « Mulholland Drive » (film de David Lynch).
La cour d'appel vient finalement de donner raison aux producteurs du film dans cette affaire debutée il y a trois ans et qui a connu quatre jugements successifs (première instance, cour d'appel, cassation et re-cour d'appel).
Chronologie de cette affaire.
Assisté par l'association de consommateurs UFC-Que Choisir ?, un consommateur a ouvertement demandé le droit de faire sauter les systèmes de protection afin de copier le dit DVD, légalement acheté dans le commerce. Ce que contestaient Les films Alain Sarde, Studio Canal et l'incontournable Universal (vidéo cette fois), coproducteurs de l'œuvre. Le dernier arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 4 avril, affirme que le consommateur et l'UFC-Que choisir ne peuvent légalement invoquer un quelconque droit de copie…
Précédant l'examen par les parlementaires de la loi sur les Droits d'Auteurs et les Droits Voisins dans la Société de l'Information (DADVSI), cette affaire avait été cité dans les discussions houleuses du Palais Bourbon et avait légitimement fondé une partie des arguments des adversaires de la loi défendue par Renaud Donnedieu de Vabres, le ministre de la culture .
Débouté dans un premier temps de sa demande en avril 2004, le jeune homme soutenu par UFC Que Choisir avait eu gain de cause un an plus tard en appel (avec une décision qui évoquait même l'interdiction pure et simple des systèmes anticopie, tout cela dans un contexte de découverte du « rootkit » installé par Sony BMG sur certains de ses disques, et condamnait même les producteurs à des dommages et intérêts…).
La Cour de cassation en février 2006 a donc cassé le jugement sur la forme et non sur le fond, arguant que la procédure et le raisonnement des juges en appel ne respectaient pas à la lettre la procédure.
Sur le fond, que dit in fine la Justice ? Sur la demande du particulier (qui n'aura pu jusqu'au bout être accompagné dans cette affaire d'UFC Que Choisir), les juges ont rappelé la vraie nature de l'exception pour copie privée. En résumé, il s'agit d'une exception et non d'un droit. Or, selon un vieux principe juridique, il ne peut y avoir d'action légitime en justice que s'il y a un droit qui est bafoué. La Cour d'appel estime que le consommateur moyen n'a nullement le droit d'exiger la levée de verrous – pratiqués depuis longtemps par les producteurs - au prétexte d'un soi-disant « droit à la copie privée », qui n'existe donc pas . Les DVD ont toujours été protégés par des mesures techniques de protection qui en empêchent la copie. A la suite de la Cour de cassation, la Cour d'appel de Paris a jugé qu'il n'y avait pas de droit de copier dont la violation aurait pu servir de fondement à une action en justice des consommateurs.
Cet arrêt est en conformité avec les normes internationales et européennes de droit d'auteur qui déterminent la nature juridique de l'exception de copie privée .
Cependant , la loi DADVSI a prétendu hypocritement maintenir le droit à la copie privée , mais faisait exactement le contraire en permettant les mesures de protection et n'obligeant pas la commission qui est nommée aujourd'hui a considérer qu'au moins une copie est obligatoire .
- Dans l'affaire Mulholland Drive, comme dans biens d'autres cas, le consommateur n'est pas alerté de son périmètre de droit d'usage sur la jaquette.
La question que l'on peut se poser à la suite de cette affaire ?
Pourquoi va payer-t-on à longueur d'année des taxes sur les supports vierges, sur les disques durs, sur les baladeurs, etc. au titre de la copie privée alors qu'on n'a plus le droit d'en faire usage ?
Tout cela arrive sur fond de campagne électorale et de défense du droit à la copie privée par les artistes eux-mêmes et les sociétés qui gèrent leurs ressources (une cinquantaine d'organismes en tout).
Le montant des taxes prélevées en France et redistribuées aux artistes, à leurs ayants-droits et aux actions culturelles, s'est élevé en 2006 à près de 40 millions d'euros.
*Le Ministre de la Culture et de la Communication, Renaud Donnedieu de Vabres, installe l'Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT) en présence de ses membres ce vendredi 6 avril. "Composée de six membres, [elle] garantira et conciliera à la fois le droit d'auteur, la copie privée et l'interopérabilité, tout en étant en phase avec l'innovation technologique et avec la modification des pratiques des internautes", assure le ministère.
|
Soyez le premier à commenter cet article